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La filière nautique : Et si d’autres solutions novatrices existaient ?

Écrit par Caroline Pottier le . Publié dans Filières industrielles

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De deux choses l’une : ou bien la navale de plaisance, entre autres « coque alu », a encore un avenir dans ce monde de requins, et il faut en parler ensemble. Ou bien alors tout avenir est bouché, et dans ce cas ce n’est pas la peine de faire « lanterner » les salariés de cette branche industrielle.

Alubat est doublement victime : d’une part de la domination du groupe Bénéteauqui représente à lui seul plus de la moitié des emplois et du chiffre d’affaires et d’autre part d’une filière dans laquelle le fossé entre les entreprises leaders et leurs concurrents ne cesse....

...de se creuser. Cette domination n’est pas seulement commerciale. Le groupe Bénéteau, qui a lui aussi souffert de la crise, en sort finalement renforcé. Il domine plus que jamais le marché. Il met en œuvre une stratégie d’occupation de tous les segments du marché du nautisme avec un impressionnant réseau de distribution à l’échelle mondiale - sans équivalent dans la filière. Cette stratégie alimente une pression concurrentielle considérable et vise à couler pas mal de concurrents.

Si la filière nautique connaît « sa » crise,  elle demeure cependant le secteur industriel français le plus exportateur avec 60% de la production destinée au marché international (et 73% de la production de voiliers). Mais là où le bât blesse, c’est que cette performance repose notamment sur l’image de marque de chantiers historiques tels que Jeanneau, Bénéteau ou Dufour et sur des « stratégies de niche » très profitables vers lesquelles se sont orientés certains chantiers, mais tous n’ont pas pu y accéder. Le problème est que les chantiers de plus petite taille ou sans trop de moyens, n’ont pas la possibilité d’affronter cette concurrence et sont obligés de commercialiser leur production via des intermédiaires.

Il y a aussi une autre donnée : c’est le poids de la « recherche-développement » dans les stratégies industrielles. Le « rapport » au nautisme a beaucoup évolué. Aujourd’hui, par exemple, les problématiques « sanitaire » et « environnementale » sont devenues stratégiques. Beaucoup de chantiers ne peuvent pas suivre, ne peuvent pas, ou plus, « ajuster » leur production sur les nouveaux enjeux technologiques, pour une autre raison qui caractérise aussi cette filière, à savoir l’absence ou la quasi absence de « capitaux propres ».

On remarquera alors que le « gâteau » du marché de la plaisance est bien difficile à partager.  Beaucoup d’entreprises comme Alubat vont rencontrer, et rencontrent d’ores et déjà, une difficulté à reconstituer leurs fonds propres. D’autant plus qu’elles sont sous le coup des banques qui ne veulent pas prendre de risques et des compagnies d’assurance qui ne veulent plus les « couvrir ».

Le cercle est vicieux. Le financement d’une stratégie de développement n’est plus assuré.

Par ailleurs, au cœur de cette filière dominée par les concurrences tout azimut, il existe aussi une inégalité de principe. Les petits et moyens constructeurs sont obligés aujourd’hui de sous-traiter la conception de leurs modèles à des architectes ou à des bureaux d’études externes, moyennant des royalties et développant encore là les mises en concurrence entre chantiers.

Enfin, toujours dans ce même ordre d’idée, il faut savoir que les « fournisseurs » d’aluminium, dans le cas d’Alubat, pratiquent eux aussi la sélection par le haut. Ces « petits » chantiers n’ont pas les moyens de faire des approvisionnements en grande quantité et paient alors le matériau avec des surcoûts énormes par rapport à ce que paient les très gros chantiers, sans parler que parfois même les « fournisseurs » de ces matériaux sont en connivence avec la filière et approvisionnent certains chantiers selon leur bon vouloir.

Tout ceci a d’importantes conséquences sur les stratégies de développement.

Alors tout serait-il foutu ?

Nous ne le pensons pas. Il suffit de reprendre une à une les causes pour les retourner en avantage. Mais ceci suppose du courage politique, de l’intervention des salariés et de nouveaux moyens de contrôle pour les salariés, pour les élus…

Nous partons du principe que tous les « Chantiers » doivent trouver leur place dès lors qu’ils ne « sombrent » pas dans une logique de la finance pour la finance.

Il faut alors :

Développer des synergies et des complémentarités entre les constructeurs. Comme nous sommes dans une filière industrielle qui historiquement a fonctionné sur une logique de « niches », il n’y a pas de raison pour remettre ceci en cause. Il doit y avoir de la place pour tout le monde. Il faut aider, coordonner, contrôler. C’est le rôle de la puissance publique. Une stratégie « multimarques » n’est pas à écarter.

Exiger des banques,et tout particulièrement des banques mutuelles (Crédit Maritime, Crédit Mutuel, Crédit Agricole…) qu’elles participent, à taux préférentiel, à la recomposition ou au renforcement des « fonds propres » de ces chantiers. Il faut leur donner la capacité à assurer le financement de leur indispensable restructuration et de leur projet de développement.

Engager au niveau du département, voire de la Région, une concertationpour définir des projets de développement des acteurs du nautisme, ce qui nécessite là encore le développement de la mutualisation et des coopérations interentreprises. Il faut aussi stimuler les collaborations d’entreprises nautiques à l’échelle interrégionale.

Il y a un avenir pour la filière « Nautisme »à la condition qu’elle soit sortie des fourches caudines du tout pour le fric, du tout pour les « tueurs » qui s’entretuent d’ailleurs eux-mêmes et qui mettent des milliers de salariés à la rue. De ce point de vue, si Bénéteau est un « leader » dans le nautisme, il est aussi un « leader » dans le sabordage des emplois.

L’avenir de cette filière dépend aussi pour beaucoup de l’effort de formation des personnels. Nous sommes face à des réalisations techniques et technologiques à très haute valeur ajoutée. La formation et la sécurisation des parcours professionnels sont de grandes exigences.

Ces propositions se veulent de participer au débat citoyen, et aussi à la rencontre indispensable entre tous les acteurs de la vie sociale et économique.

Le souci premier du Parti Communiste engagé dans le Front de gauche et de permettre  de construire de l’emploi qualifié, bien rémunéré, ouvert sur l’avenir.

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